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31/03/2022

Le joueur d'échecs de Stefan Zweig

Stefan Zweig


Stefan Zweig, Le joueur d'échecs, Paris, Stock, 1983. Ecrite en 1941, cette célèbre nouvelle de Zweig fut publiée un an après la mort de l'auteur en 1943, à Stockholm sous le titre Schachnovelle. La première traduction française parut en Suisse l'année suivante.

Monsieur B. avocat viennois arrêté par la Gestapo, croit pouvoir trouver dans un manuel d'échecs dérobé la force de résister aux interrogatoires des nazis, mais la passion le gagne et il sombre dans la folie. Plus tard sur un paquebot qui l'emmène à Buenos Aires, il joue une partie contre le champion du monde Mirko Czentovic.

Cette nouvelle qui, de façon exceptionnelle dans l'oeuvre de son auteur, fait référence aux évènements contemporains, est un de ses derniers écrits. Exilé au Brésil, Stefan Zweig se donnera la mort le 23 février 1942, incapable de survivre à la détresse qu'avaient fait naître en lui le nazisme et la guerre, négation radicale des valeurs qu'il défendait.

Extraits: des chiffres aux pièces Repères autour du jeu d'échecs (bnf.fr) - jeu, science, art Repères autour du jeu d'échecs (bnf.fr) - 150 parties d'échecs Repères autour du jeu d'échecs (bnf.fr)

source La BNF

01/02/2022

la citation du jour

« Comment concevoir la vie d'une intelligence tout entière réduite à cet étroit parcours, uniquement occupée à faire avancer et reculer trente-deux pièces sur des carreaux noirs et blancs, engageant dans ce va-et-vient toute la gloire de sa vie ! Comment s'imaginer un homme […] doué d'intelligence, qui puisse, sans devenir fou, et pendant dix, vingt, trente, quarante ans, tendre de toute la force de sa pensée vers ce but ridicule : acculer un roi de bois dans l'angle d'une planchette ! »

Stefan Zweig

10/12/2021

la citation du jour

« Assurément je connaissais par expérience le mystérieux attrait de ce "jeu royal", le seul entre tous les jeux inventés par les hommes qui échappe souverainement à la tyrannie du hasard, le seul où l'on ne doive sa victoire qu'à son intelligence ou plutôt à une certaine forme d'intelligence. Mais n'est-ce pas déjà le limiter injurieusement que d'appeler les échecs un jeu ? N'est-ce pas une science, un art ou quelque chose qui, comme le cercueil de Mahomet entre ciel et terre, est suspendu entre l'un et l'autre, et qui réunit un nombre incroyable de contraires ? […] C'est une pensée qui ne mène à rien, une mathématique qui n'établit rien, un art qui ne laisse pas d'oeuvre, une architecture sans matière ; et il l'a prouvé néanmoins qu'il était plus durable, à sa manière, que les livres ou que tout autre monument, ce jeu unique qui appartient à tous les peuples et à tous les temps, et dont personne ne sait quel dieu en fit don à la terre pour tuer l'ennui, pour aiguiser l'esprit et stimuler l'âme. Où commence-t-il, où finit-il ? »

Stefan Zweig

03/12/2021

150 parties d'échecs

Au premier coup d'œil, je fus dépité et amèrement déçu : ce livre que j'avais escamoté au prix des plus grands dangers, ce livre qui avait éveillé en moi de si brûlants espoirs, n'était qu'un manuel du jeu d'échecs, une collection de cent cinquante parties jouées par des maîtres. N'eussé-je pas été enfermé et verrouillé, j'aurais, dans ma colère, jeté le livre par la fenêtre, car, au nom du ciel, que pouvais-je tirer de ce traité ? Au temps où j'étais au gymnase, j'avais essayé, comme la plupart de mes camarades, de faire marcher des pions sur un échiquier, un jour que je m'ennuyais. Mais comment me servir de cet ouvrage théorique ? On ne peut jouer aux échecs sans partenaire, encore bien moins sans échiquier et sans pièces. "Je feuilletai le volume avec mauvaise humeur, dans l'espoir d'y découvrir tout de même quelque chose à lire, un avant-propos, des instructions. Mais il ne contenait que des diagrammes de parties célèbres, avec au-dessous, des signes qui me furent d'abord incompréhensibles : a2-a3, Sf1-g3, et ainsi de suite. C'était, me semblait-il, une sorte d'algèbre, dont je n'avais pas la clé. "Peu à peu, je compris que les lettres a, b, c, désignaient les lignes longitudinales, les chiffres de 1 à 8, les transversales, et que ces coordonnées permettaient d'établir la position de chaque pièce au cours de la partie ; ces représentations purement graphiques étaient donc une manière de langage. Je pourrais peut-être, me dis-je, fabriquer une espèce d'échiquier et essayer ensuite de jouer ces parties. Grâce au ciel, je m'avisai que mon drap de lit était quadrillé. Soigneusement plié, il finit par faire un damier de soixante-quatre cases. Je cachai alors le livre sous le matelas, après en avoir arraché la première page. Puis, je prélevai un peu de mie sur ma ration de pain et j'y modelai des pièces, un roi, une reine, un fou et toutes les autres. Elles étaient bien informes, mais je parvins, non sans peine, à reproduire sur mon drap de lit quadrillé les positions que présentait le manuel. "Néanmoins, lorsque je tentai de jouer une partie entière, j'échouai d'abord, à cause de mes ridicules pièces en mie de pain que j'embrouillais continuellement, parce que je n'avais pu mettre sur les "noires" que de la poussière en guise de peinture. Cinq fois, dix fois, vingt fois, je dus recommencer cette première partie. Mais qui au monde disposait de plus de temps que moi, dans cet esclavage où me tenait le néant, qui donc aurait pu être plus avide et plus patient? "Au bout de six jours, je jouais déjà correctement cette partie ; huit jours après, je n'avais plus besoin des pièces en mie de pain pour me représenter les positions respectives des adversaires sur l'échiquier. Huit jours encore, et je supprimais le drap quadrillé. Les signes a1, a2, c7, c8 qui m'avaient paru si abstraits au début se concrétisaient à présent automatiquement en images visuelles. La transposition était complète : l'échiquier et ses pièces se projetaient dans mon esprit et les formules du livre y figuraient immédiatement des positions. J'étais comme un musicien exercé qui n'a qu'un coup d'œil à jeter sur une partition pour entendre aussitôt les thèmes et les harmonies qu'elle contient. Il me fallut encore quinze jours pour être en état de jouer de mémoire toutes les parties d'échecs exposées dans le traité ; je compris alors quel inappréciable bienfait ce vol audacieux m'avait valu. Car j'avais maintenant une activité, stérile si vous voulez, mais une activité tout de même, qui détruisait l'empire du néant sur mon âme. Je possédais, avec ces cent cinquante parties d'échecs, une arme merveilleuse contre l'étouffante monotonie de l'espace et du temps. Extrait du livre de Stefan Zweig le joueur d'échecs 1943